Eugénie Grandet, c'est moi" disait Louise Bourgeois.
Une suite de 16 tableautins, collages, ex voto, reliquaires qui évoquent le temps qui passe. La patience de l'herbier,, l'humilité des ouvrages de dames,avec perles et boutons, fleurs artificielles, des petits tableaux comme des mandalas, des prières, de support et d'émotions.Louise signe LB, monogramme brodé,marque d'un trousseau??
Qui phagocyte l'autre?
Victimes de la manipulation et de l'arrogance d'un père, Eugénie et Louise le furent toute deux. Louis Bourgeois n 'est pas un simple avare, Grandet non plus. L'argent est le moyen autant que le but de leur domination, despotes domestiques doublé d'un opportunisme cynique.
On y retrouve la pensée de Bachelard et de sa pôétique de l'espace, dans le thème récurrent de la maison: celle décrite par Balzac, dans Eugénie Grandet, sa propre maison, "la maison de Balzac", ou se situe l'exposition,et enfin le thème de la maison, sans cesse developpé,dans l'oeuvre de Louise Bourgeois.La maison est le theâtre des constructions psychiques qui se forment dans l enfance et impriment leur marque indélibile;les bruits, les tiroirs, les coffres où Joséphine Bourgeois , la mère rangeait ses tapisseries anciennes,.
Chez balzac, la maison Vauquier des Pérignot, du sieur Crevel dans la cousine Bette, celle qui dévoile la lignée,l appartenance. ceci pour dire qu'à l'époque de la jeunesse de Louise Bourgeois, Eugénie Grandet faisait partie de ce qu'on appelle en anglais common knowledge, un monde perdu, présent et constamment ravivé dans l'oeuvre de LB.
Louise Bourgeois,est fascinée par les stratégies"des moins aptes" à assurer leur survie, son goût de la contradiction,sa grande constance, sa reconnaissance tardive, sa rigueur formelle, son exceptionnelle longévité, en fait un cas a part de l'histoire de l'Art.
Maintenant disparue, le retour de cette expatriée de génie, dans la maison d'un de ses maîtres, un air de province française, pondéré, ralenti que seul le bal des mésanges dans les orangers du Mexique du jardin vient troubler . Silence, recueillement, empathie extrème que l'on ressent pour cette immense artiste.La boucle est bouclée.
( A noter un magnifique portrait de Louise Bourgeois par mon ami Alex van Gelder dans le bureau de Balzac: mumbling- Beauty 2009)
L'émotion ne me quitte plus, en franchissant la porte de la galerie Gilbert Brownstone, rue St gilles qui présente les photos touchantes de Sarah N, la fille de l'architecte jean Nouvel.
cette adolescente de 16 ans, photographie avec aplomb et confiance, malgré son handicap moteur,des choses et des gens, un monde à elle, telle qu'elle le ressent avec poésie et créativité: "chose inouie, c'est en dedans de soi que l'on peut voir en dehors" nous dit V.Hugo. la preuve.
Et puis Jean Nouvel franchit la porte, comme un Aristide Bruant, de noir vêtu,dans sa cape, élégant, si timide, si humble devant les travaux de son enfant que les larmes nous montent aux yeux. une leçon d'amour.
"je suis le premier à avoir vu et pu comprendre les photographies de Sarah N pour deux raisons simples, j ai appris à regarder une image et je suis son père..........j ai jugé que je devais partager ces témoignages cachés qui prouvent une telle volonté de parler aux autres............j aimerai que le public ait la décence de ne pas renvoyer Sarah N dans l'obscurité et le silence de la condition dont elle a fait l'incroyable effort de s'extirper. c'est entendu, on te suit chère sarah N....et on t'embrasse.